La Turquie et sa « mainmise » sur les réseaux sociaux

Logo de Twitter, réseau social victime de la censure en Turquie

Articles censurés, journalistes emprisonnés, réseaux sociaux et autres sites populaires bloqués, internautes jugés pour un simple tweet…

Pour beaucoup, la Turquie est un pays ne disposant pas suffisamment de liberté de presse ni de libre accès à Internet. Avec une telle censure de la toile, cet État du Proche-Orient n’apparaît pas comme un pays où les réseaux sociaux font partie intégrante de la vie quotidienne. Mais c’est pourtant le cas. En effet, la Turquie compte parmi les plus grands marchés de réseaux sociaux du monde. Elle affiche un taux d’utilisation de près de 72% (59 millions d’internautes pour une population de 82 millions d’habitants).

La Turquie, l’un des 10 plus grands utilisateurs des réseaux sociaux

D’après le dernier recensement d’octobre 2018, on dénombre près de 43 millions d’internautes turcs sur Facebook. La Turquie occupe ainsi la neuvième place du classement mondial. Avoir un compte Facebook est devenu la norme. En effet, plus de 50 % de la population est présente sur le fameux site web. Même les scandales sur le non-respect de la confidentialité des abonnés et de leurs données n’ont pas su ébranler l’usage de Facebook. Quant aux autres réseaux sociaux, la Turquie compte 37 millions d’utilisateurs Instagram, 28 millions sur YouTube, 9 millions sur Twitter.

La censure et les internautes ou le jeu du chat et de la souris

C’est bien connu, l’interdit attire. Si le blocage des sites web et des réseaux sociaux en Turquie voulait dissuader les internautes d’échanger entre eux sur la toile, c’est tout l’inverse qui s’est produit. En effet, même si les sites comme YouTube, Twitter, Reddit, Facebook, ou encore l’Encyclopédie « libre » Wikipédia ont été bloqués, ils n’ont rien perdu de leur popularité. Depuis 2007, année du blocage de Youtube, l’utilisation des DNS est devenue chose courante. Même le président de la Turquie de l’époque, Abdullah Gül, avait condamné le blocage de Twitter en postant un tweet sur son compte, sans dire comment il avait réussi à y accéder.

Un graffiti dans une rue d’Istanbul. Il s’agit de l’adresse Google DNS permettant d’avoir accès aux sites web bloqués. Un peu plus à droite, le jeux de mots « kuşun ötsün » (« que ton oiseau chante ») fait référence à Twitter. Ce graffiti joue également sur la polysémie de l’expression. En effet, en turc, un « oiseau qui chante » a une connotation sexuelle et sert à désigner la fonction érectile.

Mais en 2014, les adresses DNS les plus courantes (comme Google DNS) ont également été bloquées. C’est pourquoi, les VPN constituent désormais le meilleur moyen d’accéder aux sites comme Wikipédia. Beaucoup de fournisseurs de serveurs VPN ont baissé les prix avec des tarifs spéciaux pour la Turquie afin d’aider les internautes turcs à avoir plus facilement accès aux sites bloqués et à combattre cette censure.

Un autodafé au 21ème siècle

Le gouvernement turc n’a pas vraiment réussi à développer ses propres alternatives à ces sites web comme la Chine a pu le faire avec Weibo et WeChat. Les alternatives développées par des entreprises turques n’ont pas réussi à dépasser et faire oublier leurs adversaires internationaux.

La stratégie des réseaux sociaux face à la censure est le plus souvent la coopération avec le gouvernement. Par exemple, en communiquant des adresses IP d’internautes contestataires et en partageant leurs données personnelles. Dans le cas de Twitter, cette stratégie a engendré de nombreux emprisonnements et de nombreux blocages de tweets et de comptes Twitter. Être détenu ou interrogé par la police à cause d’un tweet est devenu monnaie courante dans le pays.

Le rôle informatif des réseaux sociaux en Turquie

Malheureusement, les censures ne s’appliquent pas seulement aux réseaux sociaux mais à tous les médias. Lors de manifestations, d’attentats ou de cas de corruption dans le gouvernement, une interdiction de diffusion sur les événements est strictement et rapidement imposée. Face à une telle situation, les réseaux sociaux, Twitter et Facebook en particulier, deviennent alors la première source d’informations.

C’est pourquoi, les autorités s’arrangent pour que les réseaux sociaux, les applications comme WhatsApp, ou la connectivité dans tout le pays de manière générale rencontre des problèmes pendant l’incident afin d’empêcher les flux d’informations.

L’usage des réseaux sociaux par le gouvernement et ses opposants

Les censures les plus sévères contre les réseaux sociaux en Turquie ont commencé pendant le mouvement protestataire de 2013. Ces manifestations constituent l’un des plus grands mouvement contestataires au gouvernement du Parti de la justice et du développement, qui est au pouvoir en Turquie depuis 2002. Plutôt que de s’organiser autour d’une direction centrale, la majorité des manifestations du mouvement se sont organisées sur les réseaux sociaux. Twitter en particulier, a été utilisé comme un outil de communication et d’information par les manifestants, tandis que tous les autres médias n’ont volontairement pas relayé les manifestations dans le pays.

Pour les opposants, les réseaux sociaux constituent un bon endroit pour organiser des campagnes pendant les élections ou créer des mouvements pour forcer le gouvernement à agir sur un sujet.

Du côté du gouvernement, les réseaux sociaux sont utilisés très différemment. Sur Twitter, il existe une armée de « bots », des faux comptes relayant des hashtags pro-Erdoğan en plus de la propagande. Twitter dut même retirer le hashtag #WeLoveErdogan pour « raisons techniques » après que des milliers de comptes l’ont tweeté près de dix fois en moins d’une heure.

Presque tous les membres du gouvernement restent très actifs sur les réseaux sociaux. Le Président Erdoğan, qui avait juré qu’il allait « éradiquer » Twitter, compte presque 14 millions d’abonnés aujourd’hui sur le site web.
De plus amples informations sur la censure web en Turquie sont disponibles sur https://turkeyblocks.org/.

Rédigé par Berk Meydanlı

Sources (cliquez ici !)

https://entwickler.de/online/webmagazin/turkeys-twitter-bot-army-and-the-politics-of-social-media-1153.html
https://www.cnet.com/news/google-confirms-turkey-is-blocking-its-dns-service/
https://www.zdnet.fr/actualites/la-turquie-coupe-l-acces-a-twitter-et-veut-l-eradiquer-39798831.htm
https://fr.sputniknews.com/international/201603311023841513-turquie-twitter-hashtag-supprime-pour-des-raisons-techniques/
https://www.statista.com/statistics/242606/number-of-active-twitter-users-in-selected-countries/
https://www.statista.com/statistics/268136/top-15-countries-based-on-number-of-facebook-users/
https://www.statista.com/statistics/578364/countries-with-most-instagram-users/