Crises sanitaires et solutionnisme technologique
Sans doute vous interrogez-vous sur les précédentes pandémies. Les conséquences économiques étaient similaires, mais qu’en était-il de la communication, de l’éducation ou encore du travail ? Le monde entier conclut de la même manière : la société moderne n’est jamais parvenue à une telle apogée technologique. Nos sociétés contemporaines en sont devenues totalement dépendantes. Mais qu’en est-il des conséquences de ce solutionnisme technologique?
La gestion des crises sanitaires contemporaines
Aujourd’hui, la technologie est partout. Elle devient alors notre meilleur atout. Elle est également l’atout prépondérant dans la lutte contre une quelconque pandémie. Cela se manifeste avant tout à l’échelle de l’individu. Il n’est plus isolé autant qu’il pouvait l’être lors de la crise de la peste noire de 1347, ou, plus récemment, au cours de l’épidémie de la grippe de Hong-Kong de 1968. Une recrudescence à la fois de l’analphabétisme et de l’isolement social, mais également des famines fut observée au cours de ces crises sanitaires.
Aujourd’hui, l’enseignement est prodigué au travers des réseaux sociaux. Les sites à vocation journalistique diffusent l’information locale ainsi qu’internationale. Quant aux sites de commerce destinés aux particuliers et aux transactions entre individus, ils bénéficient des mêmes avantages. Ces sites sont constamment utilisés, sans aucun problème. Pourtant, on considère que la planète entière est économiquement et socialement paralysée.
Bien qu’en temps de confinement le tribut payé par l’individu soit moindre en comparaison des conséquences subies au cours du siècle dernier, il n’en est pas moins limitant. Les militaires et policiers ne menacent plus de s’affairer à une fusillade pour limiter la propagation d’un virus. Mais le genre humain est sans cesse sous surveillance. Les gouvernements sonnent l’alarme sanitaire et ont recours au solutionnisme technologique.
Quels sont les vices du solutionnisme technologique ?
La pandémie menace, et les États en proie à la crise sanitaire invoquent leur héraut de prédilection. Les individus, peut-être trop reconnaissants, sont enclins à oublier que leur héros fut leur geôlier.
Rappelons-nous les principales accusations portées à l’encontre de la technologie. Outre les doutes associés à d’éventuelles failles de sécurité, l’un des inconvénients à l’utilisation populaire de la technologie fut l’appropriation et la circulation des données personnelles. La polémique autour de Mark Zuckerberg a fait grand bruit en 2018. On soupçonnait le fondateur du réseau social Facebook d’avoir échangé les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs.
Prenons-nous le périlleux chemin de la Chine?
Le débat s’intensifia lors de la collecte par la Chine de données biométriques et l’utilisation de l’identification faciale à des fins controversées. En effet, l’usage dit abusif de ces données s’avéra constant dans la quasi-totalité du pays. La reconnaissance systématique des individus dans la rue permit au gouvernement d’établir un système jugé discriminatoire.
À partir d’un système de points attribués aux individus selon leurs actions et comportements économiques et sociaux, des panneaux d’affichage public exhibent les visages des mauvais payeurs. Des répondeurs téléphoniques dissuadent de correspondre avec ces mêmes personnes. Une application publique permet à n’importe quel citoyen de prendre connaissance de la notation attribuée à un autre individu. L’individu peut perdre certains avantages fiscaux tel que l’accès aux aides au logement ou à l’éducation.
Ces faces sombres de nos vies numériques persistent. L’abondance d’informations focalisées autour du virus sévissant actuellement et le solutionnisme technologique les étouffent.
Une surveillance renforcée par le confinement
En France, le controversé renforcement de la vidéosurveillance a connu une résurgence en période de confinement. Le ministère de l’Intérieur a pris l’initiative d’effectuer un appel d’offre d’une valeur de 4 millions d’euros afin de se procurer des drones de surveillance destinés à « la sécurité intérieure ».
Deux des GAFAM (les géants du web), Apple et Google se sont récemment associés afin de développer une application permettant de suivre les déplacements des personnes contaminées par le COVID-19. Sur le papier, les personnes en contact avec les contaminés ou les ayant tout du moins approchés recevraient une alerte directement sur l’application. En conséquence, elles seraient géographiquement suivies.
Au niveau national, en dépit du désaccord émanant de certains députés du Parlement et de quelques associations, il est important de relever que le gouvernement français, et donc le Comité Analyse Recherche et Expertise, ont d’ores et déjà envisagé l’application de cette mesure à tous les citoyens.
La problématique d’une possible surveillance renforcée à l’instar du modèle chinois émane. Shoshana Zuboff, sociologue américaine, parle alors de capitalisme de surveillance.
La vidéosurveillance et le traçage au service du capitalisme
Les marques peuvent imaginer des idées, produits et plans en accord avec les besoins, non pas des citoyens, mais des États eux-mêmes. À l’image des deux GAFAM précédemment mentionnés et en accord avec les possibilités d’adaptation du marketing, le principe de surveillance renforcée voire extrême sous couvert de solutionnisme technologique et pénal pourrait ne plus se limiter à la Chine et l’Asie mais s’étendre à l’Europe. Les États-Unis ont déjà adopté la solution de la technologie à tout prix.
Le 19 février 2020, l’Union européenne a mis en lumière son ambition de créer un « marché unique » européen de circulation et de visualisation des données informatiques. Les rapports de vidéosurveillance y sont, par définition, directement inclus.
En réalité, la société moderne capitaliste ne cesserait-elle pas de se rapprocher du modèle totalitaire de George Orwell ?
Rédigé par Alexis Maffini